Un passage par Gibraltar, c’est sans nul doute, le bon moment pour parler de carburant. Le diesel en Octobre 2016 y coutait (après négociation de mon ami Ron, skipper d’Atraxia) 44 cents le litre!
D’accord, les voileux aiment se passer du moteur. Quand sorti du port, on hisse les voiles, que le bateau glisse sur l’eau et, à la coupure du contact moteur, que le silence s’installe, c’est là, pour moi, l’entrée dans le monde magique de la Voile.
Mais poésie mise à part, le moteur est tout de même précieux (une douche chaude au milieu de l’Océan par un petit matin glacé après le quart de nuit, hmmm…)!
Et pour le faire fonctionner, il faut:
1. En avoir un!
2. L’entretenir.
3. Lui fournir du carburant.
C’est le sujet du jour.

Problème
De manière générale (c’est à dire en excluant les plus fortunés d’entre-nous qui possèdent des bateaux dits de voyage chers à l’achat), nos voiliers ont toujours des réservoirs trop petits lorsque l’on envisage une traversée océanique.
A titre d’exemple, mon Océanis 45 possède un réservoir de 200 litres.
En factorisant une consommation de 2,5 litres à l’heure à une vitesse de 5kn, il peut donc parcourir 400Nm.
En imaginant un démâtage au milieu de l’Atlantique (2000Nm/2), il nous manque donc 600Nm d’autonomie.
Il faut donc stocker du carburant additionnel.
Pour couvrir ces 600Nm, il nous faut, selon le même mode de calcul, 300 litres supplémentaires.
Quelle sont les options.
A. Parlant d’option, il y a l’option usine du réservoir auxiliaire. 75 litres logés dans le coffre arrière bâbord.
Soit l’équivalent de 4 jerrycans de 20 litres pour un prix de… Bref, cher pour une solution très partielle.
B. Il existe les “fuel bladders”, des réservoirs souples qui permettent de stocker des quantités importantes de fuel. Le souci c’est de trouver un endroit ou les arrimer. A l’extérieur, cela encombre le pont, à l’intérieur, dans les grands coffres arrière, c’est faisable.
Mais que se passerait-il, en cas de tempête (cas qu’il faut toujours envisager d’entrée de jeu car quand il se présente il est trop tard pour tenter de s’adapter!)? L’idée d’une “vessie” de 300 litres de diesel qui se déchire et dont le contenu malodorant déferle dans le fond du bateau…
J’ai du coup écarté toute solution impliquant le stockage du carburant à l’intérieur de la coque, en dehors du réservoir d’origine qui lui est solide et solidarisé (a-t-on testé le retournement du bateau avec un réservoir plein chez Bénéteau? Allô le support?? J’appelle demain!)
C. On en revient donc à ce que la plupart des navigateurs au long cours font: embarquer des bidons/jerrycans sur le pont.
Personnellement, les bidons attachés aux filières, cela ne me plait pas trop. Encombrement des passavants, blocage des rails de fargue, mode de fixation asser aléatoire…
Chacun mènera sa propre recherche. Pour moi, sur un Oceanis 45, l’endroit de rêve c’est le dessous du banc de barre.

Solution
Commande des bidons ayant exactement la bonne taille pour être bloqué “avant-arrière” dans le profil convexe du banc.
Un antidérapant caoutchouc pour éviter que les bidons ne s’écrasent “bâbord-tribord” à la gîte.
Mise ne place d’un profil plastique résistant (lisseton) au sol pour bloquer les bidons quand on soulève le banc de barre pour extraire un bidon en mer et que l’on ne souhaite pas que les autres bidons en profitent pour partir en ballade dans le cockpit.

Utilisation
Les jerrycans de 20 litres sont aisément manœuvrables (pour une personne en bonne condition physique).
Les jerrycans de 20 litres remplis à 100% contiennent 22,5 litres
Les jerrycans noirs résistent mieux aux UV.
Les jerrycans clairs permettent de voir les impuretés dans le carburant.
Donc je me suis équipé de 12 jerrycans de 20 litres noirs (made in Germany) et de 2 jerrycans rouges.
Remplissage
A la prise de carburant, je remplis les jerrycans rouges et je les inspecte pour déterminer la quantité de résidus. Trop de résidus, j’arrête tout et vais ailleurs.
Je transfère le carburant vers mon réservoir depuis les jerrycans noirs avec une magic-pump (siphon à bille) sans aller cherche le dernier litre (là où les résidus se concentrent)
Je reverse les fonds de jerrycans noirs dans les jerrycans rouges avec un filtre.
Entonnoir vs Siphon
Pourquoi ne pas utiliser un entonnoir à filtre dès le départ?
Parce que le transfert de carburant du bidon au réservoir, en mer, seul, avec un entonnoir… Non, vraiment 😉
Le système de siphon est génial.
Je pose le bidon en toute sécurité, je mets le siphon en place et pendant le transfert, les deux mains libres je peux me concentrer sur le fait de ne pas embarquer d’eau de mer dans le réservoir. Une grosse vague qui éclate sur l’arrière, c’est courant, et sur l’Océanis 45 l’entrée de réservoir est à l’angle bâbord arrière de la coque. Nickel à la pompe du port, moins nickel en pleine mer.
Bactéries
Eviter les résidus qui bloqueraient le filtre à carburant c’est une chose.
Après, il reste les bactéries. Mon filtre en contenait après avoir pris du carburant au Cap Vert.
Il existe des additifs chimiques qui traitent ce problème. J’ai ajouté un additif en Martinique. 2500 miles plus tard, le moteur tourne (encore) rond. Y-a-t’il un expert dans l’assistance?
Appoint
La question induite par l’anecdote du Cap Vert: quand refaire le plein réservoir/bidons
Moi, en Europe je remplis directement réservoir et bidons.
Dans des pays plus “tropicaux”, je remplis uniquement les bidons rouges, j’inspecte leur contenu, alors je remplis l’ensemble des bidons et je transfère progressivement dans le réservoir principal.
C’est un peu plus compliqué, mais je me console en imaginant le moteur qui tousse et s’arrête dans un dernier hoquet à l’entrée d’une rade par mer agitée…
Cadeau
Il m’est arrivé, pour aider un bateau qui en manquait, de transférer du carburant en haute mer. C’est un peu Rock&Roll mais possible.
Je me place sous pilote, le bateau assisté (Voisin) garde à poste son meilleur barreur.
Je mets en place quelques pare-battages au flanc de mon bateau.
Voisin s’approche au moteur et sous le vent à une longueur de bateau (12-15m).
Je lance un filin léger sur le pont avant de Voisin.
Un équipier du voisin attache ce filin à une drisse libre.
En halant mon filin, je récupère la drisse dont l’équipier de Voisin gère le mou.
J’attache le bidon à la drisse de Voisin.
L’équipier de Voisin hisse la drisse, le bidon suit et je règle le mouvement horizontal avec le filin.
L’équipier récupère le bidon et me renvoye mon filin.
Le retour du bidon à mon bord s’effectue par la manœuvre inverse.
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